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TRIBUNE. On n’arrête pas l’inflation, y compris en matière carcérale !

lundi 22 mai 2023, par Commission Justice EELV

Dans cette tribune, la commission justice d’EELV propose une révision générale de l’échelle des peines et prône l’usage de peines alternatives pour répondre à la situation catastrophique de surpopulation dans les prisons françaises.

Le 28 avril 2023, la publication des statistiques de la population pénale par le ministère de la Justice a fait apparaître un nouveau record. Sans surprise, le nombre de détenu.e.s incarcéré.e.s, déjà proche du record en octobre 2022, a tristement été battu au 1er avril 2023. 73 080 détenu.e.s pour une densité carcérale de 142,2% pour les maisons d’arrêt ou les quartiers maisons d’arrêt, établissements qui concentrent la surpopulation. Celle-ci frappe en premier lieu les personnes en détention provisoire alors même qu’elles n’ont pas encore été condamnées. Cela représente 19 773 personnes.

EELV déplore que le recours à l’incarcération soit la réponse pénale la plus fréquemment utilisée par l’autorité judiciaire. Une situation qui ne fait que s’aggraver alors que l’on recensait la création de 120 nouveaux délits par le législateur sur les cinq dernières années. Un État guidé par le « tout carcéral » n’apporte pas de réponse juste et efficace aux défis de notre société.

Cette fuite en avant dans la répression a échoué, échoue et échouera. Elle met à mal nos droits et contribue à fragiliser le lien entre l’État et la population. Elle n’a aucunement diminué la violence quotidienne. La moyenne des séjours en détention en matière délictuelle est passée de huit mois et demi en 2017 à dix mois en 2022 et ce, sans corrélation avec l’augmentation des infractions. Pour quels résultats ? Agiter le chiffon rouge du sentiment d’insécurité, sans considération de la diversité des situations (troubles psychiatriques, délinquance économique…) et sans consacrer de moyens vers une politique pénale de la réinsertion, mène inévitablement aux mêmes conséquences.

Ce triste record marque une faute historique d’Emmanuel Macron et de ses gouvernements successifs : celle d’avoir volontairement laissé passer une chance inédite de réduire la surpopulation carcérale. Pendant le premier confinement, entre mars et mai  2020, le nombre de personnes en prison a diminué de  13.500 personnes.

Cette suroccupation est une situation unique en Europe puisque la France est le seul pays des 27 de l’Union européenne à avoir une croissance carcérale si haute, quand, à l’inverse, la Belgique ou les Pays-Bas ont entamé une décroissance de leur population détenue… Le 1er mai dernier, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU recommandait à la France de réduire la surpopulation carcérale.

Emprisonné dans une vision dépassée, le gouvernement français s’est lancé dans un nouveau et coûteux plan de construction de nouvelles prisons, alors que la France a déjà construit 3000 nouvelles places depuis 2015, sans espoir et sans volonté d’apporter la moindre solution au recours excessif à l’incarcération dans notre système pénal. La France est l’un des seuls pays européens qui, chaque année, continue à construire des places de prison pour un résultat contre productif.

Pis, le gouvernement anticipe l’échec de ses réformes puisqu’il estime que nous atteindrons 80 000 détenu.e.s à l’horizon 2027. Les 15 000 places supplémentaires seront, comme elles le sont toujours, immédiatement remplies, immédiatement surpeuplées. Sans rien régler à la surpopulation carcérale et, surtout, sans rien régler aux problèmes de délinquance et de criminalité de notre pays. Cette fuite en avant se fera au prix de toute solution durable et humaniste, laquelle supposerait d’investir dans les peines alternatives à l’incarcération, le suivi post peine, la justice restaurative ou encore le soin, le suivi social, mais surtout d’investir dans l’éducation. Son discours simpliste et sa vision court-termiste pour de petites économies nous coûtent cher à long terme.

Derrière les effets d’annonce du Garde des Sceaux sur l’augmentation du budget de la justice, les financements servent à construire de nouvelles places, dont le coût unitaire revient à presque 150 000 euros, pour continuer à incarcérer. Une telle affectation des fonds du ministère de la Justice est autant de budget en moins pour le fonctionnement des juridictions. Les magistrat.e.s crient leur épuisement d’une justice sans moyens humains et financiers. Les avocat.e.s alertent sur la difficulté de défendre les justiciables devant des juridictions qui n’ont plus le temps et les moyens d’étudier les dossiers. Les politiques associatives comme l’aide aux victimes ou le suivi socio-judiciaire reposent sur des associations financièrement exsangues qui peinent à maintenir la professionnalisation des services publics qu’elles assurent. Le gouvernement doit entendre ces appels.

Redonner à l’autorité judiciaire sa juste place et lui permettre de dialoguer de manière constructive avec les autres services publics – éducatifs, sociaux et médicaux – est un impératif, pour accompagner les détenu.e.s et les surveillant.e.s pénitentiaires, qui sont en première ligne d’une politique pénale qui broie celle.celui qui subit et celle.celui qui est tributaire des choix du gouvernement.

Dans cette logique, Europe-Écologie-Les Verts propose une révision générale de l’échelle des peines, y compris en dépénalisant certains comportements pour lesquels la répression pénale ne constitue pas une réponse adaptée tout en demandant l’application d’un numerus clausus au sein des maisons d’arrêt. Pour les délits les moins graves, nous appelons de nos vœux que les magistrat.e.s, du siège comme du parquet, privilégient les travaux d’intérêt général et les autres peines alternatives à la prison.

Envisager la dépénalisation de l’ensemble de la consommation de drogue, comme l’a fait le Portugal, qui a reconsidéré l’usage de stupéfiants non pas d’une manière judiciaire mais sanitaire, tout comme la légalisation de la production et vente de cannabis, seraient des mesures fortes.

Une société plus axée sur le collectif et l’humanisme aurait davantage l’opportunité de sortir de cette idée que le système carcéral protège et pacifie. Comme dans tous les pays européens qui réussissent, nous devons nous inspirer de modèles vertueux, nous devons changer de cap !

 

La Commission Justice EELV


Signataires élu.e.s EELV :

Tiphaine Ardouin, adjointe au maire de Bordeaux
Bruno Beziade, conseiller départemental de Gironde
Aude Blet-Charaudeau, conseillère municipale de Mérignac
Julien Bayou, député de Paris
Katia Bourdin, conseillère régionale de Nouvelle Aquitaine
Françoise Coutant, conseillère régionale de Nouvelle Aquitaine
Amandine Dewaele, conseillère régionale de Nouvelle Aquitaine
Claudio Fazio, conseiller municipal de Mutzig et conseiller communautaire de Molsheim-Mutzig
Alexandre Feltz, adjoint à la santé de Strasbourg
Francis Feytout, conseiller municipal délégué de Bordeaux
Mariette Gerber, première adjointe au maire de Treilles
François Gibert, conseiller municipal et communautaire de Niort
Damien Girard, conseiller départemental du Morbihan, conseiller communautaire et municipal de Lorient
Jérôme Gleizes, conseiller de Paris
Jean-Marie Goater, conseiller délégué de Rennes, ville et métropole
Antoinette Guhl, vice-présidente de la métropole du Grand Paris
Jacques Huleux, conseiller régional d’Île-de-France
Jérémie Iordanoff, député de l’Isère
Cyrille Jaber, conseiller municipal délégué de Bordeaux
Didier Jeanjean, adjoint au Maire de Bordeaux
Stéphane Jouault, adjoint au maire de Montpellier
Fannie Le Boulanger, adjointe au maire de Bordeaux
Harmonie Lecerf Meunier, adjointe au maire de Bordeaux
Coralie Mantion, vice-présidente de Montpellier Méditerranée Métropole
Monique de Marco, sénatrice de la Gironde
Francis Morlon, vice-président de l’Aude
Dany Neveu, conseillère municipale de Saint Jean d’Illac
Julien Ochem, adjoint au maire de Billère
Jean-Louis Pagès, conseiller régional de Nouvelle Aquitaine
Patrick Papadato, conseiller municipal de Bordeaux
Bruno Paternot, conseiller métropolitain de Montpellier
Jean-Baptiste Pegeon, conseiller régional île-de-France
Sarah Persil, vice-présidente du Conseil régional de Bourgogne Franche-Comté
Raymonde Poncet Monge, sénatrice du Rhône
Marie-Julie Poulat, conseillère municipale de Bordeaux
Batiot Rémy, vice-président Le Mans Métropole
Catherine Ribot, conseillère municipale de Montpellier et conseillère métropolitaine de Montpellier Méditerranée Métropole
François Riou, conseiller municipal de Vannes
Sandrine Rousseau, députée de Paris
Mounir Satouri, député européen
Magali Sautreuil, conseillère régionale du Centre-Val de Loire
Ghislaine Senée, conseillère régionale d’Ile-de-France, présidente du pôle écologiste
Sandrine Sirvent, conseillère départementale de l’Aude
Anne Souyris, maire adjointe à la santé de Paris
Naïga Stefel, conseillère départementale du Val-de-Marne
Marie-Claire Thomas, conseillère régionale de Bourgogne Franche-Comté, conseillère municipale ville de Lure
Jean-Baptiste Thony, conseiller municipal et métropolitain délégué de Bordeaux
Alice Timsit, conseillère de Paris
Marie Toussaint, eurodéputée
Hélène Trachez, conseillère d’arrondissement de Paris XXe
Stéphane Trifiletti, conseiller régional de Nouvelle Aquitaine
Paul Vo Van, conseiller départemental de Lot-et-Garonne

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