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Élections régionales à Madrid : adieu Iglesias, bonjour tristesse
jeudi 6 mai 2021, par
Ce 4 mai, les Madrilènes ont voté. Des élections régionales qui ont provoqué un tremblement de terre ressenti dans toute l’Espagne. Du départ de la politique de Pablo Iglesias à la victoire de la droite extrême… Analyse.
Était-ce son dernier combat politique ? Sept ans après avoir fondé Podemos, Pablo Iglesias tire sa révérence. Un parcours digne d’une étoile filante. Alors qu’il était parvenu à former un gouvernement avec le socialiste Pedro Sanchez – obtenant le poste de deuxième vice-président du gouvernement et de ministre des Droits sociaux –, Pablo Iglesias avait surpris en lâchant sa place ministérielle pour se lancer dans la bataille des régionales dans la capitale. Un coup de poker qui s’est avéré… perdant.
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Ce mardi donc, les Madrilènes ont voté. La droite est majoritaire. La présidente sortante, Isabel Díaz Ayuso (PP), double ses voix par rapport au précédent scrutin : de 30 sièges, elle passe à 65 (44,5% des voix). Premier choc politique de ces élections : le parti centriste, Ciudadanos, n’est plus. Le PP l’a (ré)absorbé. Sauf que, désormais, la droite seule n’est plus en mesure de gouverner. Il faudra ajouter les 13 sièges du parti néo-franquiste Vox, arrivé quatrième, pour obtenir une majorité. À courir après l’extrême droite, la droite « classique » a ouvert la boîte de Pandore. Mais elle l’assumera, sans même devoir se boucher le nez.
Cette extrême-droitisation du paysage politique espagnol n’est pourtant pas une surprise. La « transition démocratique » n’est pas achevée. Si 1978 marque l’avènement de la démocratie, la fin du régime franquiste, l’Espagne n’a pas encore totalement fait son aggiornamento. Comme le dit souvent Juan Carlos Monedero (qui fut l’un des principaux penseurs de Podemos) : « Un jour, il y avait des juges franquistes, des policiers franquistes, etc., puis, le lendemain, il y avait des juges, des policiers, etc. » En politique, cela s’est passé de la même manière. Le Partido Popular a longtemps continué d’être un parti comptant d’anciens politiques du régime de Franco. Puis de leurs descendants. La fondation de Vox n’a été qu’une rupture, une forme de clarification. Cela peut avoir du bon : les loups ayant quitté leurs déguisements d’agneaux, on peut crier au loup.
Iglesias est mort, vive Iglesias !
La gauche madrilène a perdu, mais l’espoir est toujours là. Comme si la déstructuration impulsée en 2011 par le mouvement des Indignés était toujours en cours. Le premier a trinqué, c’est le PSOE. De premier parti de la capitale en 2019, il passe troisième, de 37 à 24 sièges, soit 16,7% des voix. C’est maintenant Más Madrid qui prend le lead la gauche, d’un cheveu : 24 sièges, 16,9% des suffrages. Et Pablo Iglesias ? Lui qui aurait souhaité être la tête de liste de toute la gauche radicale ne fut que celui de son mouvement, Unidas Podemos. Il obtient 10 sièges, 7,2% des voix.
Les scissions ont fait du mal à Podemos. Et si le parti gouverne encore avec le PSOE à l’échelle nationale, les débâcles électorales intermédiaires des uns et des autres font trembler l’édifice. Chez les socialistes, l’aile droite attend patiemment sa revanche. L’alliance avec les « gauchistes » n’est jamais passée. Mais que penser de Más Madrid, le mouvement d’Íñigo Errejón et de l’ex-maire de la capitale Manuela Carmena ? Celui-ci tient la gauche madrilène, mais c’est tout. C’est très bien pour Madrid, mais Madrid n’est pas l’Espagne.
Si l’on ne peut tenir rigueur à la candidate de Más Madrid, Mónica García, d’avoir refusé de céder sa place pour se ranger derrière Pablo Iglesias – « Madrid n’est pas une série de Netflix. Les femmes en ont assez de faire le sale travail pour qu’on leur demande ensuite de se mettre de côté dans les moments historiques », disait-elle alors –, c’est une stratégie plus globale que l’on se doit d’interroger. L’affaiblissement de la gauche au sens large ne peut pas bénéficier à Más Madrid. À moins de n’avoir pour seule ambition que d’être le plus gros des petits poissons.
Pablo Iglesias laisse donc toutes ses casquettes, et notamment celle de leader de Podemos. Tout reste à construire. Comme depuis 2014, comme depuis 2011, comme depuis 1978. Pablo Iglesias clôt un nouveau chapitre de l’histoire de la démocratie espagnole, de sa gauche. Il ne s’en était jamais caché, sa carrière sera courte. C’était d’ailleurs un des principes de Podemos : la politique n’est pas une carrière. C’est la leçon de ce scrutin : les égos ne peuvent surpasser les idéaux. Le danger d’une alliance entre la droite et l’extrême droite est trop grand pour que la gauche se paye le luxe de pinailler sur des logiques partisanes, voire micro-partisanes. Tout reste à construire.