Accueil > actu > monde > Espagne : Pablo Iglesias part à l’abordage de la région de Madrid
Espagne : Pablo Iglesias part à l’abordage de la région de Madrid
mardi 16 mars 2021, par
Voilà qui sonne comme un dernier coup de poker : contre toute attente, le leader de Podemos a démissionné du gouvernement espagnol pour candidater aux élections régionales de Madrid. Au programme : union de la gauche et barrage à l’extrême droite.
Il sera donc candidat le 4 mai prochain, lors des élections régionales à Madrid. Pablo Iglesias, deuxième vice-président du socialiste Pedro Sanchez, ministre des Droits sociaux et cofondateur de Podemos a annoncé son départ du gouvernement espagnol ce lundi 15 mars. Pablo Iglesias est en mission : il entend réussir à former une coalition de gauche pour battre la droite (et l’extrême droite). En gros, refaire au niveau régional ce qu’il a accompli au niveau national avec le PSOE.
LIRE AUSSI SUR REGARDS.FR
>> En Espagne, Podemos mène la danse
Et Iglesias ne débarque pas à Madrid les poches vides. Il s’est donné trois objectifs :
- parvenir à un candidature commune entre Unidas Podemos – coalition créée en mai 2016 entre Podemos, la Gauche unie (communistes) et Equo (écologistes) – et Más Madrid – le mouvement de l’ancienne maire de la capitale Manuela Carmena, qui avait accueilli en 2019 Íñigo Errejón, compagnon de toujours (et éternel rival) de Pablo Iglesias.
- que le candidat socialiste Ángel Gabilondo « cherche un électorat différent de celui de la gauche de transformation ». Iglesias considère qu’une large partie de l’électorat centriste – et même de droite – pourrait se rabattre sur le PSOE face à l’extrême-droitisation des positions politiques.
- que les formations progressistes soient capables de mobiliser les citoyens des quartiers populaires afin qu’ils aillent voter, car « Madrid est majoritairement de gauche ».
Le premier objectif n’est pas des moindres. En 2019, une terrible querelle avait disloqué Podemos. Depuis, dans la capitale, Iglesias n’est pas en terrain conquis dans son propre champ politique. Il n’aura pas fallu 24 heures pour que la candidate de Más Madrid Mónica García refuse l’offre d’union d’Iglesias. Sa réponse est sèche : « Madrid n’est pas une série de Netflix. Les femmes en ont assez de faire le sale travail pour qu’on leur demande ensuite de se mettre de coté dans les moments historiques. » Une stratégie pour faire monter les enchères ? Que va faire Iglesias maintenant ? La suivra-t-elle, laissant de côté son ego ? Ce qui est sûr, c’est que cette épreuve va marquer la gauche espagnole pour longtemps, car, en face, l’extrême droite guette.
C’est aussi ça, le défi de Pablo Iglesias. Élection après élection, Vox fait planer le doute quant à sa possible accession au pouvoir. La crainte, désormais, est de les voir gouverner grâce à une main tendue du PP – qui dirige actuellement la région avec le soutien de Ciudadanos [1]. Voyez plutôt cette récente déclaration de l’actuelle présidente de la région Isabel Díaz Ayuso : « Si on te traite de fasciste, c’est que tu es du bon côté de l’histoire. »
L’union de la gauche pour la victoire n’est pas une formalité. C’est une question de dignité politique. Et il ne suffira pas de réunifier la gauche radicale, Pablo Iglesias va devoir se rapprocher du candidat socialiste. Là, l’indigné peut compter sur un joker de poids : Pedro Sanchez. Le président du gouvernement l’assure : « Nous devons gagner et nous devons le faire ensemble. »
Podemos, fin et début
« En politique, il faut avoir du courage pour mener les batailles qu’il faut mener, mais aussi pour être capable de comprendre quand le moment de laisser sa place à de nouveaux dirigeants est venu. »
Par ces mots, Pablo Iglesias résume bien la situation : en briguant la région de Madrid, il laisse derrière lui bien plus que son poste ministériel. C’est son statut de leader de Podemos qui est en jeu. Qu’il gagne ou qu’il perde, il devra céder sa place. Podemos, tel qu’il a été conçu après le mouvement des Indignés de 2011 – il y a dix ans ! –, n’est plus. Voici venir autre chose. Au gouvernement, c’est Yolanda Díaz, ministre communiste du Travail qui va prendre sa place. Elle a pour elle de ne pas être une personnalité caractérielle comme Iglesias. C’est une femme qui résout les conflits, là où lui en créait. Au parti, ce sont Irene Montero et Ione Belarra qui prendront la relève.
Comme l’écrit le journaliste Ignacio Escolar dans El Diario : « Iglesias se lance dans une nouvelle bataille impossible. Avec cette décision, il commence sa mise en retrait de la politique. » Une dernière bataille donc, qui ressemble à une opération kamikaze pour sauver Podemos. Rendez-vous le 4 mai à Madrid.
Portfolio
[1] Il faut savoir que Ciudadanos est au bord de l’auto-destruction. L’arrivée de l’extrême droite sur l’échiquier politique espagnole a balayé sa stratégie de droitisation du centre. C’est parce qu’ils ont lâché la présidente de la région que celle-ci a dissous l’assemblée régionale madrilène et provoqué ces élections.