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Élections en Catalogne : la gauche indépendantiste obligée de choisir entre la gauche et l’indépendantisme

lundi 15 février 2021, par Loïc Le Clerc

Dimanche 14 février, la Catalogne a voté. Un résultat serré qui place la gauche en tête : socialistes unionistes et républicains indépendantistes ex æquo. Mais la question catalane surpasse encore celle du clivage gauche/droite.

Organiser un scrutin en pleine pandémie est un pari démocratique osé. Imaginez des assesseurs en combinaison blanche de la tête aux pieds, des horaires réservés aux électeurs positifs au Covid... Bonne ambiance ! Et deux données le font sentir : 46% d’abstention et 1,4% de votes blancs. Des records en Catalogne.

Politiquement, les résultats donnent à voir une Catalogne toujours divisée de part en part. Gauche contre droite, indépendantistes contre unionistes, ruralité contre urbanité...

 

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Il y a deux informations à retenir de ces élections :

  • pour la première fois, le bloc indépendantiste – droite et gauche confondue – est majoritaire avec 50,05% des suffrages exprimés. Et, pour la première fois depuis la mort de Franco, c’est la gauche qui domine ce bloc.
  • les socialistes n’avaient pas réalisé un si bon score depuis 2006. Pari réussi pour le chef du gouvernement espagnol qui avait choisi pour champion Salvador Illa (lequel avait quitté son poste de ministre de la Santé pour briguer la présidence de la Catalogne, une pensée pour Olivier Véran). Ils obtiennent 22,6% des voix. Mais si Illa est en tête en nombre de voix, il fait jeu égal avec ERC (républicains catalans, gauche) en nombre de sièges au parlement catalan : 33.

Qui gouvernera la Catalogne ?

Il est très peu probable que Salvador Illa parvienne à trouver des alliés pour former une majorité, même si, sur le papier, un gouvernement de gauche peut l’emporter.

L’option la plus envisageable demeure néanmoins une alliance entre les deux principaux partis indépendantistes, la gauche d’ERC et la droite de Junts, comme lors de la précédence mandature.

Pere Aragonès, chef de file d’ERC, a déjà endossé son costume de président. Dimanche soir, il s’est adressé au Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, parlant de référendum d’autodétermination et d’amnistie pour les prisonniers politiques.

Mais la majorité catalane sera dépendante (sic) du petit parti indépendantiste d’extrême gauche CUP et de ses huit élus. Une option qui ferait encore perdre du temps à ERC dans sa stratégie au long-court de pacification des relations avec Madrid. D’autant que la gauche au pouvoir ne le sera pas toujours...

Et Podemos dans tout ça ?

Avec 6,77% des voix et huit élus, En Comú Podem stagne en Catalogne. Ainsi l’analyse Pablo Iglesias : « Nous sommes une force modeste, mais incontournable à un gouvernement des gauches en Catalogne, à un gouvernement et une majorité parlementaire en Espagne, face à une droite toujours plus radicale. » Il est vrai que c’est plutôt un bon résultat compte tenu de la stratégie qui est toujours la leur, à savoir ne pas prendre parti dans ce débat manichéen : pour ou contre l’indépendance. Ce sont eux qui proposent une coalition des gauches, avec ERC et les socialistes. Mais il faudrait pour cela que la question sociale dépasse celle du statut de la Catalogne.

La grande nouveauté de ce scrutin vient plutôt de l’autre côté de l’échiquier, avec l’entrée au parlement catalan de Vox (7,58%, 11 sièges). Le parti d’extrême droite n’en finit plus de donner des sueurs froides à la droite « classique », même si le PP (3 sièges, un record de nullité) n’a jamais vraiment été en terre promise en Catalogne. Comme quoi des décennies de déni sur le franquisme et de radicalisation à droite-toute, ça fait mal à s’en briser les phalanges.

Par ailleurs, on peut souligner la fracassante défaite de Ciutadans – les copains à Macron et à Valls –, qui passent de premier parti du parlement à avant-dernier, perdant 30 sièges. Il faut croire que l’électorat social-démocrate est rentré à la maison PSOE après avoir découché quelques années.

La Catalogne continue donc sa vie politique tel un puzzle jeté au sol par la droite, tant madrilène que barcelonaise. Une guerre de positions qui dure depuis 2010 et n’aura rien produit de bon. La gauche au pouvoir au niveau national se doit d’ouvrir une nouvelle voix : celle du dialogue et non de la répression policière et judiciaire. La gauche catalane doit, elle, s’émanciper de la droite indépendantiste qui ne rêve d’indépendance que pour pouvoir se gaver égoïstement d’un plus gros gâteau. L’arrivée à bon port n’est pas pour demain, mais, d’élections en élections, le chemin semble être le bon.

 

Loïc Le Clerc

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